Plus que d’autres, les périodes troubles sont propices à enrichir les débrouillards. Lorsque les repères habituels craquent, la morale est facilement mise à mal. La France des années 40 en est l’illustration : elle a vu certains patrimoines s’arrondir alors que d’autres s’évanouissent. L’origine de ces bouleversements est liée à l’occupation du pays. Voilà le temps des combines et le règne des pratiques frauduleuses. Le marché noir – qui consiste à vendre au-dessus de la taxe et à acheter à n’importe quel prix – est érigé en système du côté des producteurs comme des consommateurs. Soupape de sécurité, il finit par tout contrôler. Une vraie gangrène ! L’image du paysan « millionnaire », enrichi par la pratique du marché noir, s’impose alors: mythe ou réalité ? Les rois du marché noir, c’est surtout du côté des commerçants qu’on les trouve. Dans la cohorte de parvenus, les BOF (« Beurre-Oeuf-Fromage »), ainsi appelés parce que leur fortune repose sur la spéculation des produits alimentaires, figurent en bonne place. Sans oublier, bien entendu, tous ceux qui ont profité de la liquidation des biens des juifs. Cette redistribution, aussi sauvage que subite, des hiérarchies fondées sur la fortune a marqué l’époque.